Une grande rétrospective consacrée à Edvard Munch (1863-1944) vient de s'ouvrir
au Centre Pompidou. Plus de 60 tableaux, un grand nombre de photographies, des dessins, des lithographies, des sculptures, un film : l'exposition a l'ambition de proposer une vision pratiquement
complète de l'oeuvre de l'artiste norvégien en dépit de l'absence - cruelle - de certaines des oeuvres emblématiques du peintre comme Le Cri.
Le principe de la grande rétrospective monographique sans oeuvres de comparaisons d'autres artistes n'est pas le genre d'exposition que nous préférons. A moins de s'appeler Raphäel ou Georges de
la Tour, l'exercice dessert souvent, nous semble-t-il, les artistes. La qualité des toiles n'est pas constante et les chefs d'oeuvre côtoient inévitablement les oeuvres secondaires. Le déroulé ne
peut éviter de surcroît pas une certaine monotonie. Heureusement la densité de l'accrochage permet d'éviter une présentation trop étirée et offre une certaine concentration au propos.
Au Centre Pompidou, l'exposition a pour ambition de montrer que Munch est un "oeil moderne". En l'absence d'oeuvres de comparaison d'autres artistes, d'une remise en contexte par les oeuvres,
l'affirmation peut paraître péremptoire.
L'exposition s'ouvre par un effet d'accrochage saisissant avec les salles 1 et 2. La première salle montre une série de toiles des années 1890-1900 constituée de plusieurs oeuvres marquantes dont
cette femme rousse qui dévore la nuque d'un homme : c'est la Vampire de 1893.
La salle n° 2 montre les mêmes compositions dans un étonnant effet de redite : il s'agit de la reprise par Munch de ces mêmes tableaux à vingt ans d'intervalle. L'effet est singulier mais les
causes bien ordinaires : approfondissement par le peintre d'une composition ou commande d'une réplique par un collectionneur... Le texte de salle présente cela comme un trait de modernité
(la question du "multiple"). Cela nous semble au contraire une pratique artistique qui appartient à la tradition de la peinture occidentale.
Dans ce travail de la reprise et de la méditation sur le motif, une salle se distingue en particulier, c'est celle - très belle - consacrée à la Femme en pleurs, composition qui se
développe sur tous les supports : photographie, dessin, aquarelle, peinture, lithographie, sculpture.
Mais rien encore une fois qui nous permette de dire que Munch serait en cela un artiste "de la modernité". Est-ce d'ailleurs obligatoire ?
Le dossier de presse est ici.