Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 mai 2013 4 16 /05 /mai /2013 14:26

Un magnifique ensemble de chefs d’œuvre de l'Art nouveau est actuellement présenté à Paris à la Pinacothèque. Si la scénographie est un peu sombre et manque de charme, la visite reste un enchantement par la variété et la qualité des pièces : des lithographies en couleur, des bronzes, de la petite statuaire, du mobilier, des films, des bijoux, des affiches, etc.

L’exposition fait délicieusement écho à celle en 2011 du musée d’Orsay : Beauté morale et volupté.

 

Georges-de-Feure-L-esprit-du-mal.jpgGeorges de Feure, L'esprit du mal, 1898

aquarelle, collection Victor Arwas, Londres


Hector-Lemaire.jpgHector Lemaire, La Roche qui pleure, vers 1900

biscuit de Sèvres, collection Victor Arwas, Londres

 

Edgar-Maxence-La-fumeuse.jpgEdgar Maxence, La Fumeuse

Lithographie en couleur, vers 1900, Collection privée

 

On regrettera simplement une fois de plus l'interdiction de photographier dans l’exposition... Ce règlement, assez fréquent pour les expositions temporaires, moins pour les musées, est, nous semble-t-il, une pratique du droit largement abusive. Comme disait l’un de nos amis à propos des collectionneurs privés qui interdisent que les visiteurs photographient les œuvres qu’ils prêtent pour des expositions : « D’une part, l'œuvre est photographiée dans le catalogue, et rien n'empêche concrètement quelqu'un de la scanner, d’autre part ils n’ont pas de droit sur l’image de l'œuvre. Ils possèdent l’œuvre, mais pas l’image, surtout quand l’œuvre est tombée dans le domaine public, auquel cas elle appartient (l’image toujours) à tout le monde. Cette interdiction de photographier me fait penser aux Amérindiens qui ne voulaient pas que l'on vole leur âme ». La beauté du patrimoine appartient à tout le monde, les propriétaires n'en sont que les gardiens. (Je me place, bien sûr, dans le cas d'un usage non commercial).


On nous dit aussi que photographier un tableau empêcherait les visiteurs de le regarder. À mon avis, c'est exactement le contraire. C'est parce qu'on a en plus la possibilité de photographier l’œuvre qu'on la regarde encore plus attentivement. En outre, il est difficilement supportable que quelqu'un vienne nous dire quelle est la « bonne » manière de regarder une œuvre, quelle est la « bonne » pratique de l'art.

 

Enfin, dans le cas de la Pinacothèque de Paris, avec un prix d'entrée à 12 euros (tarif réduit : 10 euros - il y a longtemps que les tarifs réduits ne sont plus des demi-tarifs), on peut estimer avoir acheté le droit de prendre tranquillement des photos pour garder un souvenir de sa visite.

 

Sur cette question de l'image en histoire de l'art, nous renvoyons à la très instructive émission de télévision produite et réalisée par La Tribune de l'art : Patrimoine en question(s) n°4 : l’histoire de l’art doit-elle se faire sans images ?

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 10:36

Outre les collections permanentes du musée de l’Île-de-France, le domaine de Sceaux présente actuellement deux expositions de très haute qualité.

La première est située à l’entrée du parc, dans les Écuries. Intitulée 1704 - Le Salon, les Arts et le Roi, elle est d’un exceptionnel intérêt et doit être vue par tout dixseptièmiste. L’exposition réunit 70 œuvres des quelques 500 qui ornèrent la Grande Galerie du Louvre à l’occasion du Salon de 1704.

 

almanach-pour-l-annee-1700.jpg

Nicolas Langlois (1640-1703) Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture

dans la galerie du Louvre en 1699

Détail d’un almanach pour l’année 1700 - Eau forte et burin, 88,8 x 55,8 cm

Paris, Galerie Terrades - © Galerie Terrades, Paris

 

« Sous l’Ancien Régime, le Salon était organisé par l’Académie royale de peinture et de sculpture et présentait les œuvres des plus grands artistes de l’époque. Il se situe en cela à l’origine du concept moderne d’exposition », rappellent les commissaires de l’exposition. Le rassemblement de ces œuvres est captivant et fort instructif. Le dossier de presse est ici. On regrettera cependant l’étroitesse des salles d'exposition et l’absence de catalogue, toujours en attente de parution.

 

Louis de Boullogne

Louis de Boullogne (1654-1733) Vénus dans la forge de Vulcain - 1703

Huile sur toile, 67,5 x 57,5 cm

Sceaux, Collection Milgrom - © M. et Mme Milgrom

 

Il est également dommage que le Pavillon de l’Aurore, avec sa coupole peinte par Le Brun, soit fermé durant la durée de l’exposition : il paraît que c’est en raison du manque de personnel. Nous avons compté quatre agents de surveillance pour des espaces minuscules et deux agents d’accueil à l’entrée. On peut s’interroger sur une telle répartition – qui respecte, assurément, les normes syndicales. Enfin on regrette la fermeture de l’Orangerie, pour travaux semble-t-il, qui présente normalement les collections de sculptures.

Sceaux-plan-acces-batiments.jpg

La seconde exposition est située au « Petit Château », à l’autre bout des jardins. Mais l’effort pour s'y rendre est récompensé par la qualité des œuvres et de la présentation. Il s’agit d’une reprise en format réduit de l’exposition de la collection Adrien qui s’était tenue au Musée des Beaux-Arts de Rennes. La sélection est faite en cohérence avec l’exposition sur le Salon de 1704. Resserrant son propos, l’exceptionnel intérêt des feuilles n’en apparaît que plus clairement.

Lemoyne-Hercule-coll-Adrien.jpgFrançois Lemoyne (1688-1737) Etude pour la figure d’Hercule assommant Cacus - 1716

Pierre noire et rehauts de craie blanche, 41,2 x 24,7 cm

© Musée des Beaux-Arts de Rennes/Jean-Manuel Salingue

 

En outre, nous avons trouvé particulièrement pédagogique (et notre fille de six ans aussi) le panneau de salle expliquant l’élaboration progressive d’un tableau grâce aux étapes successives des dessins et des esquisses peintes.

Sceaux-panneau-de-salle.JPG

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 12:56

Le musée du Jeu de Paume propose actuellement une exposition très excitante qui nous fait plonger dans une certaine culture française des années vingt et trente grâce à l’œuvre photographique de Laure Albin Guillot. Cette période est souvent présentée par les historiens de l’art comme une époque de « repli », un « retour à l’ordre » après les vagues successives des avant-gardes qui caractériseraient le vrai mouvement de l’art. Plusieurs expositions récentes, L’antiquité rêvée, Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde, L’Ange du bizarre ont rappelé qu’il existait aussi une autre histoire de l’art, un autre chemin que celui de la modernité unidirectionnelle.


Et ce qui frappe lorsque l’on considère la production artistique de ces années d’entre-deux-guerres, c’est cette formidable confiance dans les nouvelles formes d’une modernité qui se définit non plus par la rupture, mais par la réinterprétation d’un héritage esthétique. Ce retour à la forme classique, cet assagissement qui s’exprime alors en peinture, en architecture, en musique et en poésie doit aussi être compris comme un temps nécessaire d’assimilation de toutes les nouveautés artistiques qui ont bouleversé le visage de l’art au tournant du XXe siècle.

L’exposition du Jeu de Paume, habilement sous-titrée « L’enjeu classique », permet d’effleurer ces questions qui se révèlent aussi cruciales pour notre époque. Elle s’appuie, dans une scénographie un peu sévère, sur la variété du travail de Laure Albin Guillot. L’exposition s’ouvre par une série de portraits dont celui, très émouvant, de Paul Valéry. La photographe était au cœur de la vie artistique française de son temps et son œuvre en offre un témoignage précieux.
Laure-Albin-Guillot-Paul-Valery.jpg

Laure Albin Guillot, Portrtait de Paul Valéry


Elle a également beaucoup travaillé sur la question millénaire du nu en lui conférant un lyrisme limpide qui semble vouloir exprimer ce sentiment d’éternité classique que tant d'artistes à l'époque recherchaient.

Laure-Albin-Guillot---Nu--1938.pngLaure Albin Guillot - Nu, 1938


Laure Albin Guillot Nu allongé, c. 1930       Laure Albin Guillot 1947

Laure Albin Guillot - Nu allongé, c. 1930                                            - 1947


De façon très cohérente, elle proposa une illustration des grands poèmes symbolistes néo-antiques comme les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs et la Cantate du Narcisse de Paul Valéry. Ces ouvrages où la photographie se fond dans la bibliophilie dévoilent plus que l’esprit d’un temps : ils proposent une véritable philosophie de la forme.

Laure-Albin-Guillot-La-Cantate-du-Narcisse-1934.jpgLaure Albin Guillot - La Cantate du Narcisse, 1934


Mais il semble bien que tout ceci échappe à certains, car l’une des plus intéressantes photographies de nu de Laure Albin Guillot a été ridiculement censurée par Facebook. La pruderie américaine fait la démonstration continuelle de sa sottise pour ne pas dire de son obscurantisme. Rien que pour le principe (... et le plaisir aussi en fait), nous la republions nous aussi :

Laure-Albin-Guillot-1940.jpgLaure Albin Guillot - Étude de nu, 1940


L’exposition montre également le travail de Laure Albin Guillot dans le domaine de la photographie décorative à partir de microphotographie, ainsi que les campagnes publicitaires pour lesquelles elle proposa des clichés d’une grande beauté.

Laure-Albin-Guillot-micrographie-decorative-1931.jpg  Laure-Albin-Guillot-Etude-publicitaire-pour-le-lait-vers-19.jpg

Laure Albin Guillot - Micrographie décorative, 1931            - Etude publicitaire pour le lait, vers 1935

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 10:52

L’actualité culturelle est toujours riche au musée du Louvre et nous voudrions signaler trois petites expositions à ne pas manquer en ce moment.

Giotto-Louvre.jpg

Giotto, Crucifix, vers 1315 Musée du Louvre


La première est une brillante exposition-dossier consacrée à Giotto et à son immédiat entourage. La présentation est éclairante, les textes de salles sont exemplaires, l’effort pédagogique parfaitement abouti.

 

 

Saint-Philippe-de-Jesus.jpgSaint Philippe de Jésus, cathédrale de Mexico

 

Dans les salles espagnoles de l’aile Denon, on découvre autour d’une admirable sculpture représentant Saint Philippe de Jésus provenant de la cathédrale de Mexico, une série de peinture de la Nouvelle Espagne. Pour dire le vrai, nous ne savions pas à quoi nous attendre pour cette peinture qui n’a pas la meilleure réputation. Mais nous avons été « convertis » et les tableaux exposés sont remarquables. On retiendra en particulier l’étonnante et momumentale Lactation de saint Dominique de Cristóbal de Villalpando.

 

Lactation-de-saint-Dominique-de-Cristobal-de-Villalpando.jpgCristóbal de Villalpando (ca. 1649-1714), Lactation de saint Dominique

Mexico, Iglesia de Santo Domingo

 

Enfin, les grandes salles d’art graphique présentent une belle sélection des dessins des musées d’Angers, avec en particulier l’œuvre graphique du grand sculpteur romantique David d'Angers où se distingue ce captif enchaîné :

David-d-Angers.jpg

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 09:57

Le Musée du Louvre présente, sous pyramide, une grande exposition consacrée à l'art allemand, du romantisme goethéen à l’entre-deux-guerres. Le parcours chronologique et thématique est captivant et les œuvres présentées sont sublimes (forcément).

 

Arnold-Bocklin-Villa-au-bord-de-la-mer--1878.jpgArnold Böcklin, Villa au bord de la mer, 1878, huile sur toile, 110 x 160 cm.

Winterthur, Kunstmuseum, don des héritiers d’Olga Reinhart-Schwarzenbach, 1970, 1102

© Erich Lessing, Vienne

 

La polémique qui a éclaté dans la presse allemande quelques jours après l’ouverture nous paraît vraiment inappropriée. Prétendre que l’exposition validerait l’idée d’un enchaînement naturel entre le romantisme allemand et le nazisme est passablement absurde. La brutalité des guerres du XXe siècle et l’ombre noire de la montée du nazisme ne sont aucunement présentées comme une conséquence du romantisme du XIXe siècle. Au contraire même, s’il fallait faire un seul reproche au parcours de l’exposition, ce serait la rupture un peu forte entre la deuxième et la troisième section, entre les grands paysages romantiques et universels de Friedrich et l’évocation des ravages humains de la Première Guerre mondiale.
Décidément, l’identité allemande reste un sujet complexe et non apaisé.

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 19:25

Le musée d'Orsay présente depuis quelques jours une nouvelle exposition sur le "versant noir du romantisme" intitulée : L'ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst.

Carlos-Schwabe--1866-1926--La-Mort-et-le-fossoyeur.jpg
Carlos Schwabe (1866-1926), La Mort et le fossoyeur, 1900 
aquarelle, gouache et mine de plomb, H. 76 ; L. 56 cm 
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts Graphiques du musée du Louvre
 Legs Michonis, 1902 © RMN (Musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi

Cette exposition sur un sujet transversal mêlant les époques, les artistes et les techniques offre une vue d'ensemble passionnante sur une vraie problématique culturelle. Les expositions thématiques nous paraissent toujours plus excitantes intellectuellement que les expositions monographiques.

 

von-Stuck-La-Chasse-sauvage.jpg

Franz von Stuck (1863-1928) La Chasse sauvage, 1899, Huile sur toile, 95 x 67 cm

Paris, musée d’Orsay, RF 1980 7

© Musée d’Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt


L'Ange du bizarre s'inscrit d'ailleurs un peu, par son tropisme anglo-saxon, dans la continuité de l'exposition autour d'Oscar Wilde dont nous avions dit ici beaucoup de bien. Elle prolonge aussi très intelligemment l'exposition sur le néoclassicisme au musée du Louvre d'il y a deux ans. Certains tableaux sont d'ailleurs communs aux deux manifestations comme Le Cauchemar de Johann Heinrich Füssli.

 

On avoue avoir été moins convaincu par la dernière partie de l'exposition consacrée à la postérité surréaliste. Alors que la structure du parcours était jusque là thématique, ce saut chronologique paraît un peu forcé. Comme s'il fallait se justifier et prouver coûte que coûte que la problématique a des liens avec l'avant-garde.

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 18:40

Le musée Jean-Jacques Henner est un des musées les plus agréables de Paris. Avec le musée Delacroix, le musée Gustave Moreau, la maison Victor Hugo et le musée de la vie romantique, il fait partie de ces endroits un peu secrets qu'on aime voir préservés de la foule même si naturellement on leur souhaite le plus grand nombre de visiteurs. On attend avec une vive impatience la réouverture du musée Hébert, inauguré en 1978 et "temporairement" fermé depuis 2004.

 

Le musée Henner présente actuellement une exposition sur la peinture religieuse fin-de-siècle autour de Jean-Jacques Henner. La problématique est immense et fascinante ; elle est ici traitée dans les limites naturellement de ce petit musée. La question de la représentation du Christ mort est une des plus obsessionnelles de l'histoire de la peinture occidentale et l'on rêve d'une grande rétrospective sur ce thème.

Henner-010.JPG

Sensualité et spiritualité expose ainsi les recherches du peintre alsacien autour de la question du corps implorant et souffrant dans la peinture religieuse. Dessins préparatoires, ébauches et œuvres achevées sont mis en regard. La première salle montre les tâtonnements du jeune artiste, encore très académique et à l'étroit dans la tradition davidienne. Mais déjà, on pressent des choses nouvelles dans son Adam et Ève trouvant le corps d'Abel, 1858, ENSBA. La présentation d'autres artistes permet d'élargir le sujet : la remise en contexte est une obligation pour tout discours sur l'art. Cependant la (charmante) petitesse du musée oblige en conséquence à décrocher beaucoup d'œuvres d'Henner lui-même.

Henner 012Henner 013

Autre regret, l'omission des panneaux de salle et d'indications qui baliseraient le parcours (titre de salle, numérotation des sections du parcours) ; à la place, un "petit journal" est distribué à l'entrée, mais on regrette l'absence de ces repères usuels.

Enfin, on se plaindra de la difficulté dans bien des cas de pouvoir voir les œuvres tout simplement : en effet, l'accrochage en hauteur et surtout le problème (probablement insoluble) des reflets constituent un cruel obstacle à la contemplation.

Henner-021.JPG

Henner-018.JPGHenner-019.JPGHenner-040.JPG

Terminons par une note positive en soulignant le remarquable dynamisme de ce musée, les concerts, lectures, ateliers de dessin, projections de films qui y sont organisés, ses liens avec les blogueurs culturels, son propre blog, son compte Flickr, son compte Facebook, sans parler de son très sympathique personnel d'accueil.

On nous annonce en outre l'ouverture prochaine d'un jardin d'hiver. Définitivement, le musée Henner est un des lieux les plus délicieux et les plus précieux de la capitale.

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 12:26
 

L'exposition Edward Hopper qui vient de s'ouvrir au Grand Palais est passionnante à plus d'un titre. Tout d'abord on saluera l'intelligence de la remise en contexte et de la mise en regard par la présence d'œuvres d'autres artistes. Nous avons plusieurs fois sur ce blog souligné l'importance de cette manière de faire de l'histoire de l'art. Ainsi l'exposition s'ouvre sur la formation de l'artiste et l'on voit le rôle joué par la peinture française du tournant du siècle autour de Marquet et de Vallotton mais aussi l'héritage de Degas dans la définition de l'espace et le naturalisme des sujets.

Hopper 01

Edward Hopper, Stairway at 48 Rue de Lille, Paris, 1906 Huile sur bois, 33 x 23,5 cm New York, Whitney Museum of American Art (70.1295) Legs de Josephine N. Hopper

 

On découvre aussi le travail d'artistes moins connus comme John Sloan ou comme le passionnant  Walter Sickert. L'importance de la place consacrée à tous ces artistes dans les premières salles de l'exposition donne à cette dernière une ampleur incontestable.


Hopper 02        Hopper 03

Edward Hopper Cunard Sailor, 1906-1907     Edward Hopper, Couple Drinking, 1906-1907

Aquarelle et mine de plomb sur papier           Aquarelle, 34,3 x 50,5 cm

37,8 x 26,8 cm                                            New York, Whitney Museum of American Art,

New York, Whitney Museum of                     Josephine N. Hopper Bequest

American Art (70.1335)                               © Heirs of Josephine N. Hopper, licensed

Legs de Josephine N. Hopper                       by the Whitney Museum of American Art

 

Mais au-delà des questions de filiations stylistiques et d'héritages artistiques, c'est aussi tout un monde visuel qui se dévoile au visiteur : celui d'une modernité plongeant dans le quotidien des années 1905-1925, entre Paris et l'Amérique. On a le sentiment de partager l'univers de Francis Scott Fitzgerald dans The Great Gatsby, mais aussi des films comme Days of Heaven ou Henry and June, et quantité d'autres.


Hopper-23.jpgEdward Hopper, Soir Bleu, 1914, Huile sur toile, 91,4 x 182,9 cm, New York, Whitney Museum of American Art, Josephine N. Hopper Bequest © Heirs of Josephine N. Hopper, licensed by the Whitney Museum of American Art


Les liens entre l'œuvre de Hopper et la photographie et le cinéma sont naturellement intenses, et l'exposition les met habilement en valeur par la projection des travaux de Atget ou d'artistes contemporains comme le photographe Philip-Lorca diCorcia.

Si les tableaux et aquarelles produits par Hopper au cours de l'entre-deux guerres nous ont paru un peu moins convaincants car peut-être un peu anecdotiques, la dernière partie de l'exposition consacre le génie de l'artiste avec une série d'œuvres qui recrée devant nos yeux toute la mythologie de l'Amérique. L'accrochage incite à une passionnante réflexion sur l'isolement, l'abandon et parfois même la désolation.


Hopper-14.jpg             Hopper-19.jpg

Edward Hopper, Eleven A.M., 1926, Huile sur toile         Edward Hopper, Room in New-York

71,3 x 91,6 cm, Washington, D.C.,                              Sheldon Museum of Art, 

 Hirshhorn Museum and Sculpture Garden,                    University of Nebraska

Smithsonian Institution (66.2504)                               © Sheldon Museum of Art

Don de la fondation, Joseph H. Hirshhorn, 1966

                                   

Jusqu'à la fin de sa vie Hopper reste fidèle à son esthétique tout en l'enrichissant, mais la chronologie avance et ce qui était formellement audacieux autour de 1905-1925, l'est beaucoup moins dans les 40 années qui suivent, surtout en regard des bouleversements de la peinture de son temps. Le décalage frappant entre son travail et celui de l'avant garde américaine (question qui n'est pas abordée dans l'exposition) est assez savoureux. Son œuvre pose la question de la figuration naturaliste dans l'art des années 50 comme expression artistique moderne et de haute valeur.


Hopper-20.jpg

Edward Hopper, Morning Sun, Columbus Museum of Art, Ohio

Howald Fund Purchase 1954.031 © Columbus Museum of Art, Ohio


La dernière toile de l'exposition est à cet égard l'une des plus stupéfiantes :

Hopper-24.jpg

Sun in a Empty Room, 1963, Collection privée

 

Le dossier de presse se trouve ici.

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 08:48

On concédera que ce n'est probablement pas une exposition qui attirera un grand public. Qu'il s'agit d'un événement essentiellement destiné aux historiens de l'art dix-septièmistes. Mais pour eux, dont je suis, quelle joie !

Le musée Carnavalet abrite en effet une exposition exceptionnelle au titre enchanteur, Les couleurs du ciel, consacrée à la peinture des églises de Paris du XVIIe siècle.

 

Couleurs-du-ciel-copie-1.jpg

Philippe de Champaigne (1602-1674), Le sommeil d’Élie, Musée des Beaux Arts du Mans © Cliché Musées du Man

 

Les trois premières salles sont chronologiques, les trois dernières thématiques. La présentation est d'une grande clarté et témoigne du sens pédagogique du commissaire scientifique de l'exposition, Guillaume Kazerouni, également enseignant en histoire de l'art. On aborde ainsi successivement les grands chantiers artistiques des églises de Paris du XVIIe siècle à travers les esquisses, les tableaux, les gravures et les réductions de ces décors peints, aujourd'hui pour la plupart démembrés ou disparus.

 

Les premières salles montrent un bouillonnement de talents d'une jeune peinture avide de conquérir ces lieux de l'art que furent les églises de Paris. Même les œuvres parfois plus faibles d'artistes un peu secondaires séduisent par leurs maladresses charmantes et leurs audaces formelles. Mille questions sur les styles et les chantiers se bousculent dans notre esprit.

 

L'un des grands mérites de cette exposition est de nous permettre de VOIR enfin des tableaux dont on connaissait plus ou moins l'existence mais auquel on n'avait pas accès, soit qu'ils étaient masqués par la crasse (beaucoup ont été restaurés pour l'occasion), soit qu'ils étaient (et le redeviendront) inaccessibles au regard parce que placés trop haut, trop loin ou dans des chapelles fermées... L'accrochage, idéalement dense et plutôt bas, facilitant ainsi la proximité avec la toile, permet de satisfaire notre appétit rétinien.

 

En permettant à l'historien de l'art d'étudier et d'admirer un pan considérable de la création artistique tristement négligé par les effets de mode, les ravages du temps et la sottise crimimelle des destructeurs du patrimoine, cette exposition procure un fort sentiment de contentement.

 

La première image visible à l'entrée est en revanche parfaitement déprimante :

Plan-de-Turgot.jpg

Il s'agit d'un plan de Turgot (1736) indiquant les emplacements des églises de Paris. En rouge, les églises détruites, en vert les églises subsistantes...

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions
3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 15:18

Les Galeries nationales du Grand Palais présentent cet automne une remarquable exposition sur les liens entre la figure du bohémien dans l'imaginaire visuel européen et le thème de la vie de bohème de la jeunesse littéraire et artistique du XIXe siècle. Outre l'intérêt en soit du propos, cette exposition se distingue par une scénographie inventive, suggestive et éloquente, pleinement au service des œuvres et des enjeux intellectuels soulevés par le sujet. Or cette scénographie a été éreintée par la critique qui n'a pas hésité à dénoncer la "dérive des expositions spectacles". Cela n'est pas pour nous surprendre. En France, les historiens de l'art ont toujours eu du mal avec le concept de médiation, avec l'idée que l'on puisse prolonger l'œuvre d'art par une mise en scène qui soit à la fois ludique et pédagogique. Un tableau cela s'accroche sur un mur, et le mur doit être nu. A la rigueur un texte de salle mais ce sera tout. Heureusement, cette position élitiste et anti-hédoniste perd de plus en plus de terrain. (Le capitalisme consumériste a parfois des effets heureux). Reprocher à une exposition de tendre vers le spectacle est pratiquement paradoxal. Car en un sens, une exposition se doit d'être un spectacle, c'est-à-dire d'offrir au visiteur une mise en mouvement du discours sur l'art et l'histoire, de créer entre les œuvres un rapport dynamique, d'expliquer un propos par une pédagogie de l'effet. De surcroît, comme le dit très justement le commissaire de l'exposition Sylvain Amic, une présentation traditionnelle, sobre et classique aurait été en contradiction frontale avec le sujet.

 

Bohemes-001.jpg

Georges de la Tour (1593-1652), La diseuse de bonne aventure, vers 1630. Huile sur toile, 102 x 123 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. © The Metropolitan Museum of Art, / Dist.RMN/ image of the MMA

 

L'exposition Bohèmes explore deux aspects bien distincts (d'où le pluriel du titre). La première partie se concentre sur le parcours iconographique et culturel du thème du bohémien dans l'art européen selon une progression chrono-thématique qui va de Léonard de Vinci à Van Gogh en passant par le chef d'œuvre de Georges de La Tour.  On regrette cependant la cruelle absence de Caravage, vraie lacune de la démonstration.

Les textes de salles offrent des explications captivantes et très instructives révélant progressivement toute la richesse du sujet (cf. les liens avec la Fuite en Egypte). On assiste ainsi à la passionnante généalogie du motif depuis son hypothétique origine égyptienne jusqu'aux danseuses de flamenco.

 

Dès l'entrée, la scénographie fait, quoique encore modestement, la démonstration de son originalité et de la manière dont elle sert le propos. La première partie de l'exposition est constituée en effet d'un long chemin terreux et monotone. Des traces de pas sont visibles sur le sol. Le bohémien est avant tout quelqu'un qui marche, sans cesse chassé, repoussé...

 

La transition vers la seconde partie de l'exposition située à l'étage se fait autour de la figure de Carmen, héroïne littéraire mais surtout musicale. Le bel escalier des Galeries nationales du Grand Palais fait alors songer à celui de l'Opéra Garnier. Il y a là un vrai coup de génie scénographique.

 

La deuxième partie cherche à montrer comment à partir de la figure devenue légendaire du bohémien, s'est élaboré le mythe de l'artiste maudit, vivant pauvrement mais accédant par son art à des vérités plus grandes que celles ayant cours sous le joug de la société bourgeoise. Certes, on est là entièrement dans le fantasme romantique, mais cette filiation aussi fictive soit-elle entre le bohémien et l'artiste bohème dit tout de même quelque chose de fondamental du besoin de fragilité de l'homme créateur depuis le XIXe siècle, de sa recherche d'accomplissement dans l'instabilité, dans le voyage et l'errance, dans le rejet de la normalité bourgeoise. "La vraie vie est ailleurs".

 

Bohemes-002.jpg

 

La seconde partie de l'exposition est ainsi rythmée par des thèmes consacrés à la vie de misère des artistes du XIXe siècle : les logements dans les combles, les ateliers, les journaux illustrés, la vie amicale, la vie amoureuse... et tout se finit au bistrot. Mais cette conclusion plaisante est immédiatement contrariée par l'évocation, dans un étroit et oppressant couloir menant à la sortie de l'exposition, de la terrible destinée des Gitans pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Si l'actualité de ces dernières semaines projette un éclairage singulier et troublant sur le thème de cette exposition, cette dernière ne cherche jamais à masquer la distance qu'il y a entre le rêve esthétique et la réalité humaine, ni ne prétend confondre l'art et l'ethnologie sociologique. Les textes du catalogue et l'interview du commissaire en particulier s'attardent intelligemment sur ces questions. 

Partager cet article
Repost0
Published by Jérôme Delaplanche - dans Expositions

Un blog d'histoire de l'art

Ce blog est à destination principale des étudiants en histoire de l'art. Il rassemble les documents de travail dont ils peuvent avoir besoin, comme des bibliographies ou des répertoires d'images. Les articles publiés signalent l'actualité en histoire de l'art que j'ai pu suivre et que je leur propose à mon tour de découvrir.

J'invite toutes les personnes intéressées (étudiants ou amateurs) à s'inscrire à la Newsletter pour pouvoir être averties de la publication de chaque nouvel article.

Attention, il n'y a pas de newsletter à proprement parler. Il convient donc de laisser cochée la case "Notifications de publication d'articles" sous peine de ne rien recevoir du tout.

Rechercher

Archives