Le Cabinet des dessins Jean Bonna qui s'est ouvert en 2005 à l'École des Beaux-Arts suit une dynamique politique d'exposition menée avec énergie par Emmanuelle Brugerolles. Nous y avions naguère organisé avec elle une exposition sur les dessins des Parrocel qui permettait de faire le point sur cette dynastie d'artistes réputée complexe.
Actuellement s'y tient une très belle présentation de dessins d'architectures de la seconde moitié du XVIIIe siècle provenant de la collection de l'architecte russe Sergi Tchoban. Conçu par Basile Baudez, qui est également l'auteur du catalogue, cet accrochage permet de découvrir des feuilles admirables qui sont les évocations parfois oniriques d'un monde perdu et pourtant vivant. Ainsi la Vue du Forum romain de Pierre-François-Léonard Fontaine (ill.) décrit les vestiges antiques comme les agréments bien ordonnés d'une promenade plantée.
Exposition sur l'architecture, il n'y a cependant pas de compositions techniques ou de plans : on y découvre plutôt des créations très picturales qui portent au rêve comme sous la plume ou le pinceau de Jean-François Thomas ou de Joseph Michael Gandy (ill.). C'était du reste l'une des thèses défendues par l'exposition L'Antiquité rêvée au musée du Louvre (2010).
La sélection des feuilles révèle parfaitement la dimension fantastique de l'architecture néo-classique souvent jugée à tort froide et "académique". Au fond, ces dessins témoignent d'un moment rare dans l'histoire de l'Occident où la conscience de soi fut assez aiguë pour mesurer le poids d'un héritage culturel incomparable, s'enfonçant dans la profondeur des siècles, mais également assez audacieuse, imaginative et idéaliste pour chercher à recréer les formes urbaines d'une société renouvellée. Cela s'appelle une Renaissance. Le XIXe siècle allait s'ouvrir.
Claude-Nicolas Ledoux, Projet de théâtre pour Marseille, 1785, collection Sergei Tchoban.