Le principe de l'exposition de l'art contemporain dans les monuments historiques et les musées connaît depuis quelques temps un certain regain. On se souvient de Jan Fabre qui en 2008 avait occupé les salles du musée pour un résultat contrasté.
Cette question présente à mon sens deux aspects. Le premier est pour ainsi dire muséographique et touristique. Les oeuvres contemporaines s'interposent-elles (au propre comme au figuré) entre le visiteur et les oeuvres des collections permanentes du musée ou du monument ? Le visiteur qui vient parfois de loin pour admirer une oeuvre d'art peut avoir le droit de réclamer un moment d'intimité avec l'oeuvre, de recueillement, le droit de pouvoir instaurer un dialogue entre l'oeuvre et lui. Une pièce contemporaine s'interposera et privera le visiteur de ce droit bien légitime. On peut craindre alors que la présence de l'art contemporain serve surtout à la satisfaction d'une petite élite.
Le second aspect est de savoir tout simplement "si cela fonctionne". Si visuellement la confrontation enrichit le regard, s'il y a un dialogue entre les oeuvres, si cela fait sens.
Selon moi avec Jeff Koons ou Takashi Murakami à Versailles, le pari n'a pas été réussi. Dans les deux cas, les oeuvres aux coloris acidulés, sur-éclairées, souvent protégées par des vitrines épaisses, brisaient les espoirs du visiteur étranger, qui a payé chèrement son billet, de découvrir le château des rois de France. La patine des décors anciens, la pénombre naturelle des pièces, sans parler même de l'évocation historique, étaient balayées. En outre, le dialogue "baroque" entre certaines pièces de Koons ou de Murakami et les décors du XVIIe siècle paraît bien factice.
Le résultat est différent me semble-t-il avec les oeuvres commandées récemment pour le musée du Louvre. Ces dernières années, le musée a demandé à plusieurs artistes contemporains de participer au décor intérieur du palais. Dans les trois cas, ce sont de très belles réussites. L'ensemble d'Anselm Kiefer, une grande peinture et deux "sculptures", s'insère parfaitement dans le décor architectural de l'escalier du pavillon nord de la colonnade. (On regrette simplement les traces noires des mains des installateurs sur le rebords de la niche !).
Les verrières de François Morellet sont également des interventions poétiques et réussies.
Enfin, le grand plafond peint par Cy Twombly pour la salle des bronzes antiques m'a procuré une grande satisfaction. Depuis des années, depuis surtout le réaménagement de la salle (dont j'apprécie beaucoup la muséographie), je trouvais que le plafond était d'une blancheur dure et sèche. Les grands soleils de Twombly, ce profond ciel bleu font maintenant de cette vaste salle un des plus beaux lieux du musée.
Le musée de la chasse et de la nature à Paris dans le Marais a fait un pari encore plus audacieux et tout aussi réussi. L'ensemble des salles et galeries du musée a été investi par des créations contemporaines souvent surprenantes, toujours pertinentes. Le dialogue des deux mondes est permanent et sans cesse au service de la poésie et de l'intelligence (dans les deux sens du terme) du propos.